L'Armée Autonome
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Vous franchissez les portes de la Forteresse Autonome de Parjhom... Soyez les bienvenus !
 
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 Au-delà du temps

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Nehek

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MessageSujet: Au-delà du temps   Au-delà du temps Icon_minitimeDim 6 Fév - 3:37

Le vent soufflait à travers les dunes lugubres. Celles-ci se mouvaient sous son souffle, comme si elles comprenaient sa langue et obéissaient à ses ordres. Seule la lune blafarde était le témoin muet de cet étrange événement. Le sable commença à glisser entre des affleurements rocheux, pareil à un cours d’eau. Peu à peu les pierres dévoilèrent leur vraie nature, à mesure que le désert se retirait. Un étrange portique fait de pierres colossales émergea, les rayons de l’astre nocturne révélant d’étranges inscriptions sur sa surface. Les bourrasques devinrent plus violentes, comme si le vent voulait en finir rapidement. Les crêtes des collines s’envolèrent dans la tourmente. Dans la solitude du désert la tempête se déchaina. Les ruisseaux de sable devinrent torrents, puis les torrents devinrent fleuves. Et un gigantesque ouragan de sable englouti toute la région pendant plusieurs jours.

Quand enfin les éléments eurent calmé leur colère, le calme revint dans le désert, mais ce dernier n’avait plus rien à voir avec ce qu’il avait été quelques jours plus tôt. Au milieu des sables brûlants se dressait désormais une majestueuse cité cyclopéenne dont l’avenue centrale, bordée de hauts temples et de statues gigantesques, était dominée par une pyramide démesurée. Le silence régnait à nouveau dans le désert, les statues immobiles semblant garantir qu’aucun importun ne viendrait le troubler.

Alors que la cité donnait l’impression de devoir rester figer pour l’éternité, les lampes qui ornaient les murs sculptés s’allumèrent une à une dans leurs petites alcôves, baignant les scènes peintes des bas reliefs. Les hommes et les créatures qui s’affrontaient sur les murs parurent s’animer sous les lueurs tremblotantes. Les temples s’illuminèrent en même temps que les yeux des statues. Le vent se remit à souffler faiblement. Sa complainte se transforma imperceptiblement en litanies prononcées en une langue mélodieuse oubliée depuis de nombreux millénaires et se répandit dans les rues et ruelles de la cité. Les lanternes le long des avenues s’illuminèrent en l’entendant comme s’ils répondaient à un appel si longtemps attendu. Les lumières s’allumaient au fur et à mesure, convergeant vers la grande pyramide. Quand les dernières lanternes s’illuminèrent au pied de l’édifice, toute la ville résonnait de cette mystérieuse mélopée.

Les symboles sculptés dans le large portique attenant à la pyramide se mirent à briller faiblement, réverbérant leur lueur sur les énormes portes de bronze fermant l’entrée de l’édifice. Derrière les portes closes un couloir, baigné dans une obscurité millénaire, s’illumina. La lumière arriva jusqu’à une vaste salle aux murs d’or délicatement ornés de bas reliefs. Pour la première fois un bruit autre que celui du vent résonna dans la ville oubliée, celui d’une pièce mécanique. Le tombeau au centre de la pièce s’anima. Son lourd gisant se déplaça sur le coté alors que des rouages cliquetants faisaient basculer le tombeau à la verticale. Pour la première fois depuis des éons au sien de la pyramide, deux yeux s’ouvrirent.

***

Le monde avait bien changé depuis que le Roi Nehek avait décidé de se retirer au sein de sa chambre d’éternité. Il observait fièrement sa cité revenir à la vie depuis la terrasse au sommet du grand temple. Partout des hommes ayant entendu l’appel royal avaient afflué pour venir le servir et s’affairaient à redonner le lustre de la grandeur à la merveilleuse Neferset, capitale du royaume de Kem. Les rues grouillaient de nouveau. Ses immortels légions veillaient et son fidèle maitre des armées, Rakaph, en avait déjà envoyé plusieurs de part le monde afin de rapporter des informations sur les événements passés depuis le Retrait et connaître les forces en présence. Le Grand Rituel des Sables Ardents avait parfaitement fonctionné et personne n’était venu depuis réclamer les terres de Kem.

Le Roi Nehek était ravi d’avoir appris que l’antique rivale de Sphemet n’avait pas su survivre aux outrages du temps et était désormais devenue le repaire de plusieurs groupes de brigands et autres pillards. Neferset brillerait bientôt comme au temps de son antique splendeur et dominerait encore toutes les terres qui étaient sienne. L’antique monarque reconnu les pas de son fidèle conseillé Pharak se portant à ses cotés. Celui-ci s’agenouilla et prit la parole.

« Au Roi des rois, Seigneur suprême des Terres Noires, celui par qui la vie est possible et à qui la mort est interdite, Maitre du désert et du ciel, Souverain des quatre horizons, Toi qui tient le sceptre de Kem, je t’apporte de bonnes nouvelles. »

Le monarque posa son regard sur son conseillé et lui fit un imperceptible geste pour lui ordonner de continuer.

« Ô Frère de Dieux, mes espions m’ont rapporté de nombreuses informations sur les menaces qui pourraient nous guetter. Mais plus important un émissaire d’un grand royaume de cette ère est venu à notre rencontre pour nous proposer une alliance. Ses paroles ne recelaient aucun mensonge. Avec ses connaissances votre Majesté devrait pouvoir reconstruire encore plus rapidement son royaume. »

Le roi Nehek réfléchit un cours instant. Le monde avait bien changé depuis qu’il s’était retiré dans le Long Sommeil, cette aide pourrait lui être précieuse pour rapidement appréhender les défis de cette époque. Et plus prosaïquement il lui faudrait encore beaucoup de temps avant que son royaume soit capable de faire face à n’importe quel ennemi. Si Sphemet avait été sa Némésis par le passé il était bon d’avoir un allié au cas où quelqu’un d’autre prétendrait dominer le pays de Kem. Le pragmatisme lui conseillait donc d’accepter cette proposition. Et qui sait, il pourrait peut-être apporter aux membres de cette alliance le précieux savoir de sa civilisation.

« Soit, fit le souverain en reportant son regard sur sa merveilleuse cité. Qu’il en soit ainsi. Nous Nehek l’Immortel, souverain de Kem, acceptons cette alliance. Pharak, faite porter une missive à cette émissaire pour l’assurer de notre décision. »

Le conseillé s’agenouilla de nouveau puis recula jusqu’à disparaître du champ de vision de son roi. Quelques instants plus tard un cavalier partit au grand galop en direction du sud, porteur du document de première importance que lui avait confié Pharak. Son voyage allait l’emmener loin de Kem, vers le lieu ou s’étaient réunis les autres membres de cette alliance, l’île d’Assaron. Satisfait le souverain laissa alors dériver son esprit vers des rêves de gloire à venir.
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MessageSujet: Re: Au-delà du temps   Au-delà du temps Icon_minitimeMar 8 Fév - 3:05

Sous le regard glacé des légionnaires de la Garde Immortelle Pharak arpentait de long en large le grand hall du Palais Royal. Le conseillé observa quelques secondes les bas reliefs des piliers récemment repeints par des artistes de talent. Il contempla les récits glorieux des innombrables hauts faits du Royaume de Kem. Ses yeux gravirent les immenses colonnes jusqu’aux chapiteaux. Par les Dieux, que ces temps paraissaient lointains maintenant. Un nouveau messager, haletant dans la chaleur matinale, le rejoignit. Le cinquième alors que le Dieu Solaire Phar n’était pas encore à son zénith. Pharak cacha sa lassitude et se tourna vers son serviteur qui s’inclina devant lui.

« Ô Conseillé de notre bien aimé Roi, Serviteur de Celui qui ne peut pas mourir, j’ai le malheur de ne pas vous apporter de bonnes nouvelles, murmura le messager n’osant pas relever la tête. Les paysans et les éleveurs peinent à produire suffisamment de nourriture pour sustenter toute la population du Pays de Kem. Le Maitre des Réserves Royales craint un risque de famine dans les prochains jours. »

Pharak fit un geste pour enjoindre son messager de partir. Il se dirigea ensuite vers l’entrée du Palais Royal. La situation était critique. Il faudrait encore de nombreux mois avant que les anciens champs soient déblayés de tout ce maudit sable. Il s’arrêta sur le parvis, le soleil réfléchissant sa lumière sur son visage noir minéral. Dehors des chariots remplis de merveilles s’acheminaient vers le quartier des entrepôts, des marchands aux étales regorgeant de merveilles vantaient leur qualité à de jeunes femmes en tuniques de coton blanc et des hommes, luisant sous les rayons déjà éprouvant de l’astre divin, portaient de lourds paniers vers une destination inconnue. Ce spectacle fut comme une claque salvatrice pour le conseillé du Roi. Quel maléfice avait bien pu accabler son esprit. Non il n’était pas dit qu’il renoncerait si facilement. Prenant les Dieux pour témoins Pharak se jura de tout faire pour que le fier Royaume de Kem retrouve sa splendeur passée et la dépasse.

Le conseillé du Roi tourna les talons et traversa à grandes enjambées le hall du Palais Royal en direction de son bureau, le visage reflétant sa détermination retrouvée. Les légionnaires de la Garde Immortelle n’avaient pas bougé.

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MessageSujet: Re: Au-delà du temps   Au-delà du temps Icon_minitimeMar 8 Fév - 23:14

Le soi-disant navire de marchands se mit en panne à quelques encablures de l’île d’Assaron. Le vent dans cette région était décidément trop frais au goût de l’Emissaire du Roi Nehek se nommant Lakasis. Ce dernier remonta le col de sa cape de laine bleue claire jusqu’à son nez. Le Keméen fit signe à son escorte de rassembler ses affaires. Ses hommes fermèrent leurs sacs, enfilèrent leurs cuirasses damasquinées puis mirent leurs casques dorés. L’un d’eux sortit la bannière du royaume, la déroulant avec précaution puis l’attachant avec minutie à la hampe du porte-étendard. Les soldats de Neferset à la peau cuivrée se redressèrent comme un seul homme quand la pièce de tissu aux couleurs de leur pays se mit à claquer dans le vent froid. Lakasis fit une rapide prière pour son dieu tutélaire, Lakaa, divinité du vent, afin que celui-ci le protège des mauvaises rencontres et cesse de le tourmenter avec des températures inconnues en son pays natal.

Avec une désespérante lenteur, le navire se rapprocha de vieux pontons qui avaient connu des jours meilleurs. Les marins jetèrent les amarres par-dessus le bastingage avant de se jeter eux-mêmes par-dessus bord. Tous retombèrent sur le ponton et se précipitèrent pour attacher les cordes à de solides plots en métal. L’Emissaire du Roi scruta les alentours. L’île était sinistre, parsemée de rocs déchirés et surplombée par une montagne dans laquelle semblait avoir été sculpté une énorme forteresse grise. Ainsi c’était donc cela, Parjhom, pensa Lakasis. Le Keméen n’était pas sûr de prononcer correctement ce mot. Une brusque bourrasque le fit sortir de ses pensées et manqua de le renverser. Il fit signe à ses soldats de le suivre et, d’un pas qu’il espérait ferme, s’engagea sur la passerelle pour descendre de la nef.

Arrivé sur la terre ferme, Lakasis dut reconnaître qu’il n’était pas mécontent de retrouver le plancher des chèvres. Et de quitter un équipage de pirates qui ne devait pratiquer le commerce qu’à la manière d’un passe-temps. Le sourire maléfique du capitaine ne fit que le conforter dans son opinion. Heureusement qu’il avait décidé d’emporter avec lui un lion de pierre. C’est sans doute grâce à ce dernier que leur voyage n’avait pas été leur dernier. Pour s’en convaincre l’Emissaire du Roi posa sa main sur la tête du lion et la caressa affectueusement. Les yeux verts de la créature s’animèrent et se tournèrent vers Lakasis, semblant acquiescer.

La petite troupe se mit en route sur la route pavée se dirigeant vers la forteresse. Le ciel lourd commença à laisser échapper quelques gouttes avant de déverser des trombes d’eau. Les soldats restèrent un moment figés et émerveillés. C’était la première fois qu’ils voyaient autant d’eau s’échapper de la voûte céleste. Lakasis, lui-même envouté par ce spectacle inimaginable pour les Keméens, dut se faire violence pour se libérer du charme de la pluie. Les gouttes terriblement froides qui étaient parvenues à s’infiltrer dans sa tunique l’aidèrent il est vrai à sortir de son ébahissement. Réprimant un frisson, l’Emissaire du Roi ordonna à son escorte de reprendre la route.

Après une demi-heure de marche qui parut une éternité pour les Keméens, Lakasis distingua enfin une grande porte dans la muraille de l’immense forteresse. Devant elle se trouvait les vestiges d’un campement ou se tenaient encore quelques tentes. La troupe du pays de Kem parcourut les derniers mètres jusqu’à la porte ou deux soldats dépenaillés étaient visiblement chargés d’en protéger l’accès. Lakasis s’arrêta devant eux, prit le médaillon en forme d’oiseau de son collier et l’activa, espérant que l’effigie serait capable de traduire les paroles des habitants de cette région. Il fit un bref signe militaire à son escorte qui se positionna aussitôt fièrement autour de lui, essayant de se mettre en valeur, malgré les affres de la pluie qui l’avait rendu dégoulinante.

L’air interdit devant les gardes de la forteresse, Lakasis ne savait pas comment se présenter. Puis un agréable picotement lui titilla la nuque. C’était le signe. Une fois de plus il se retrouvait à faire ce qu’il savait faire de mieux, créer le contact. Il inclina légèrement la tête puis prit la parole, entendant pour la première fois sa voix dans une langue qu’il ne connaissait pas.

« Bonsoir nobles soldats, je suis Lakasis, Emissaire du Roi Nehek. Je souhaite m’entretenir avec les dirigeants de l’Armée Autonome. »

Le jeu venait de commencer. Et Lakasis adorait ça.
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Anarion

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MessageSujet: Re: Au-delà du temps   Au-delà du temps Icon_minitimeJeu 10 Fév - 14:52

— Veuillez attendre un instant, répondit un des gardes de la citadelle, avant de s'éloigner pour traverser la cour intérieure.


L'émissaire du roi Nehek n'eut pas à patienter très longtemps ; le garde revint quelques minutes plus tard accompagné d'un homme extrêmement pâle vêtu de noir et à l'allure inquiétante, mais qui se montra toutefois cordial envers Lakasis :

— Bienvenue en ces Terres Reculées. Je me nomme Anarion, Gardien de l'Armée Autonome.

Lakasis s'était attendu à faire face à un véritable monarque, à l'allure plus princière, plus impressionnante. Mais quand ils furent suffisamment proches l'un de l'autre et qu'il put darder ses yeux dans ceux de son interlocuteur, il ressentit soudain toute la puissance, l'expérience et le charisme qui émanaient de l'homme qui l'accueillait.

— Salutations Seigneur Anarion.
— Voudriez-vous entrer quelque temps dans notre forteresse ? Et nous pourrons nous attabler et partager un peu de vin et de nourriture pour discuter de l'objet de votre visite. Votre escorte pourra trouver repos et détente au sein du poste de garde.

Lakasis fit un signe de tête en guise d'assentiment et emboîta le pas de son hôte qui le conduisit jusqu'au sein d'une vaste salle de repas, peu éclairée.

— Installez-vous. Turik ! De la nourriture et du vin pour notre hôte ! Et faites quérir le Seigneur Anthalys !

Un homme sortit de l'ombre et acquiesça avant de s'éloigner.

— Je vous écoute... dit finalement Anarion, en s'asseyant et en plongeant ses yeux inquiétants dans ceux de son invité.
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Anthalys
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MessageSujet: Re: Au-delà du temps   Au-delà du temps Icon_minitimeSam 12 Fév - 17:48

Bordée de part et d'autre par des statues majestueuses en marbre blanc représentant des pachydermes, symbole de Sagesse et de Patience, la cour intérieure fut traversée, au pas cadencé, par un peloton de quatre gardes vêtus d'une simple tunique en cuir beige laissant apparaître des jambes imberbes et des sandales à lanières. Sur le buste, un plastron armure moulé assorti aux gantelets du même alliage. Un casque de fantassin léger bien vissé sur la tête leur servait de coiffe protectrice. Deux d'entre eux portaient un étendard aux couleurs de l'Armée Autonome. Les deux autres tenaient fermement un glaive glissé dans leur fourreau à la ceinture.

CLAP - CLAP - CLAP...

A ces tapotements de main, les gardes s'écartèrent pour laisser la voie libre à Anthalys, Grand Maître des lieux. Celui-ci pénétra dans l'immense salle où Anarion l'avait appelé à le rejoindre pour accueillir leur visiteur du jour.

« Excusez mon retard. Je reviens tout droit d'une mission diplomatique et le temps exécrable qui sévit en cette saison n'a pas facilité mon retour. Soyez le bienvenu sur les terres de L'Armée Autonome, cher Lakasis ! On m'a fait dire que vous étiez envoyé ici par le Roi Nehek. Ce nom ne m'est pas inconnu, mais il me semblait qu'il faisait partie du monde des défunts depuis de très longues années. Racontez-nous les raisons qui vous ont amenées jusqu'à nous. »
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MessageSujet: Re: Au-delà du temps   Au-delà du temps Icon_minitimeDim 13 Fév - 18:17

Lakasis observa discrètement les deux dirigeants de l’Armée Autonome afin de satisfaire sa curiosité. Pharak lui avait déjà parlé du seigneur Anthalys puisque c’était ce dernier qui avait pris contact avec le Royaume de Kem quelques semaines plus tôt. Le Conseiller du Roi n’avait décelé aucune malice en lui et avait donc décidé, avec l’accord du Roi, de prendre contact avec cette alliance. Et pour son grand honneur, Pharak l’avait choisi, lui Lakasis, pour mener à bien les tractations pour le compte du Royaume. C’était la première mission diplomatique depuis le Grand Réveil, et une mission d’une extrême importance de surcroit. Anthalys venait de dire que le nom du Roi Nehek ne lui était pas inconnu. Etait-il possible que le nom de son souverain ait traversé les millénaires ? L’Emissaire se posait cependant d’avantage de questions sur Anarion.

Lakasis fit signe à ses soldats de l’attendre dans la magnifique cour de la forteresse, ne gardant à ses cotés que son fidèle aide de camp et porteur de la bannière royale, Ramosé, et son lion de pierre. Alors qu’ils avançaient à la suite de leurs deux hôtes, l’Emissaire réfléchissait à ce qu’il allait dire, serrant dans sa main le message du Roi Nehek. Une fois de plus le picotement dans la nuque le rassura. Anarion et Anthalys s’installèrent autour d’une grande table de marbre sculptée. Lakasis s’installa face à eux et pris la parole en déroulant le message du roi.

« Seigneur Anarion, Seigneur Anthalys, au nom du Roi Nehek, Souverain des Terres Noires, Seigneur du Grand Désert, Divin Commandant des Armées Immortelles (Lakasis décida d’abréger soupçonnant son public de ne pas être habitué au protocole keméen), je vous transmet ses salutations. Le Royaume de Kem est récemment revenu dans le monde des vivants afin de commencer une nouvelle ère. Des millénaires se sont écoulés depuis le Retrait et bien des choses ont changé. Notre Roi a apprécié être contacté par votre alliance et partage sa philosophie. Il espère que notre coopération nous permettra de nous enrichir mutuellement. En gage de fidélité, notre Souverain vous offre ce présent, une effigie du lion du désert. Cette créature représente pour notre culture la force et la loyauté. »

En entendant son nom, le lion vint rejoindre Lakasis et posa ses yeux émeraude sur Anthalys et Anarion. Un feulement retroussa ses babine. L’Emissaire lui fit un geste de la main et le lion vint s’installer entre les deux seigneurs de l’Alliance Autonome puis se coucha à leurs pieds en ronronnant.

« Il s’agit de la spécialité de notre civilisation. Nos plus brillants artistes sculptent ces statues dans une pierre rare de notre contrée et nos artisans effigistes leur donnent vie. »

Lakasis laissa quelques secondes passer, le temps qu’Anthalys et Anarion observe avec curiosité et perplexité leur cadeau.

« Je ne vous cache pas que notre Royaume aura besoin d’aide le temps que les affres du temps qui l’affligent soient effacés. Notre Roi vous promet en retour de vous soutenir contre vos ennemis qu’il considère déjà comme étant les siens. Comme je vous l’ai dit l’Immortel Souverain Nehek comprend et partage le sens de votre devise : Etre autonome, c'est avoir besoin des autres et savoir que les autres ont besoin de soi. »

L’Emissaire du Roi fit une nouvelle pose afin que ses nouveaux alliés pèsent bien le poids de ses paroles.

« Je souhaiterais rester, si vous l’acceptez, en votre demeure afin que nous puissions faire plus ample connaissance. Je pourrais ainsi transmettre vos décisions à notre Roi et vous faire part de ses réflexions. J’en profiterai, si vous le désirez, pour vous raconter l’histoire de notre glorieuse patrie. Je vous remercie de m’avoir écouté et vous transmet une fois encore nos plus cordiales salutations. »

L’Emissaire s’inclina légèrement face aux deux seigneurs puis s’assit. Son aide de camp se plaça derrière lui en brandissant l’étendard du Royaume de Kem. Lakasis se sentait bien petit face aux deux puissantes créatures face à lui. Mais cela n’en faisait-il pas les alliés idéals ?



Dernière édition par Nehek le Ven 25 Fév - 21:48, édité 2 fois
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Anarion

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MessageSujet: Re: Au-delà du temps   Au-delà du temps Icon_minitimeMer 16 Fév - 0:12

Les deux interlocuteurs de Lakasis le remercièrent chaleureusement pour ce don qu'ils imaginaient plus que précieux, puis, sans même se concerter répondirent presque en même temps :

— C'est avec plaisir et honneur que nous acceptons de vous aider sans condition.
— Et vous pourrez rester ici le temps qu'il vous plaira ; vous êtes ici chez vous.
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MessageSujet: Re: Au-delà du temps   Au-delà du temps Icon_minitimeMer 16 Fév - 1:55

Rakaph relâcha le cou du prêtre qui s’effondra au sol, la nuque brisée.

« Quoi, vous êtes en train de me dire que mes précieuses légions emprisonnées dans les Chambres d’Eternité vont restées emprisonnées ! »

Le Général de l’armée du Roi Nehek se frappa le visage de la main. Le regard affligé posé sur les prêtres, il commença à faire les cents pas. Il allait falloir entrainer la population pour en faire des soldats. C’était le seul moyen d’assurer la protection du Royaume. Le Général étant perdu dans ses réflexions, les prêtres en profitèrent pour s’esquiver de la salle de guerre. Rakaph resta un long moment figé, telle une statue de pierre noire aux yeux émeraude, avant de subitement sortir de ses rêveries, un sourire carnassier sur le visage. Il s’empara d’un pinceau et d’une feuille de papyrus et commença à écrire. Régulièrement il regardait la carte du royaume, posant son index sur les sites stratégiques, activait son boulier d’ébène, puis reprenait ses notes.

Ce n’est que tard dans la nuit que Rakaph reposa son pinceau. A la lueur des lampes de la salle de guerre, les bas-reliefs guerriers semblaient vouloir se pencher pour prendre connaissance du plan ourdi par le Général pour rendre toute la splendeur au Royaume de Kem. Le fidèle serviteur du Roi relu attentivement le document, les sourcils froncés puis il claqua des doigts et aussitôt, comme sortant de nul part un soldat richement paré se précipita vers lui et posa un genou au sol.

« Raketer, tu vas prendre cette liste et faire le tour de tous les lieux qui y sont indiqués afin de vérifier l’état de notre machine de guerre. Je veux savoir exactement de quoi nous disposons. Relevez-vous mon fidèle Commandant, nous n’avons pas beaucoup de temps. »

Le militaire se redressa, prit le document roulé dans un anneau d’or et d’argent porteur du sceau royal, salua le Général et partit précipitamment. Rakaph claqua de nouveau des doigts, d’une manière légèrement différente, et un serviteur jaillit de derrière un pilier de la salle pour poser le front contre le sol devant le Général.

« Serviteur, je te donne ce document. Tu en feras des affiches et tu les feras placarder dans toute la cité. Je veux que demain, les Keméens puissent en prendre connaissance lors du premier marché. Je veux des recrues rapidement. »

Le serviteur s’empara de la feuille portant un avis à la population et disparut en reculant par l’embrasure d’une petite porte. Rakaph se dirigea alors vers la terrasse. La nuit était claire, les étoiles brillaient doucement, et une légère brise fraiche lui caressa le visage. Le Général posa ses poings sur le rebord et se pencha pour voir le jardin en contrebas. Un souffle d’air faisait bruisser les roseaux près du grand bassin reflétant les astres nocturnes. Il observa les ifs se pencher légèrement sous le vent et huma leur doux parfum de bois et de sève.

Se laissant aller, Rakaph s’allongea sur le rebord de la terrasse, bercé par les bruits de la nuit et l’agréable effleurement de l’air sur son corps. Les grillons stridulaient dans les buissons accompagnés par le glouglou cristallin d’une fontaine invisible. Les yeux verts inhumains du Général fixaient la voûte céleste. Rakaph appréciait ces rares moments de solitude, loin du bruit métallique des armes. Il plongea dans ses souvenirs, voyage dans un passé lointain ou Kem régnait déjà sur tout le sud du continent. La construction de la capitale, la merveilleuse Neferset, les grandes guerres à travers le monde, l’éternelle ennemie Sphemet, sa mémoire n’avait rien oublié.

Le chant du coq fit sursauter le Général qui manqua de basculer dans le parc en contrebas. Rakaph se releva, ajusta son collier et sa ceinture, son cerveau traversé par une pensée mortifère concernant le gallinacé matinal. D’un pas alerte il se dirigea vers son bureau, demanda à un serviteur de lui apporter un bassin avec de l’eau puis se rendit au pied de la statue du Dieu de la guerre Raka’a, pour une courte prière. Le Général se relevait à peine qu’un messager se prosterna devant lui.

« Mon Général, Seigneur des Légions Immortelles, Aurige des dix milles chars d’or, Seigneur des Pluies Mortelles, je vous apporte de terribles nouvelles. Notre caravane envoyée sur l’Ile d’Assaron a été attaqué. Il n’en reste rien ! »

Rakaph se frappa le visage de la main. Il aurait aimé avoir un de ces satanés prêtres sous la main pour passer sa frustration.
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MessageSujet: Re: Au-delà du temps   Au-delà du temps Icon_minitimeVen 25 Fév - 21:30

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"Visiteur, admire la Sublime Cité de Neferset et incline-toi devant Sa Grandeur !"
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MessageSujet: Re: Au-delà du temps   Au-delà du temps Icon_minitimeLun 14 Mar - 0:31

Les lieux étaient plongés dans des ténèbres plusieurs fois millénaires. Pourtant le Roi Nehek se déplaçait avec aisance, connaissant par cœur son chemin dans le dédalle de couloirs et de pièces. Ses pas raisonnaient dans le tunnel qu’il remontait rapidement. Le monarque n’avait même pas prit la peine d’ouvrir les yeux pour parcourir les centaines de mètres de couloir le séparant de son objectif. Il avait fait bâtir la Pyramide du Ciel et en connaissait tous les recoins. Et chaque nuit il s’y rendait. Dans le noir et le silence, les habitants du Royaume de Kem, immobilisés dans le Long Sommeil, regardaient passer leur Souverain de leurs yeux aveugles.
Le Roi des Terres Noires finit par s’immobiliser dans le néant qui l’entourait. Sa main minérale droite s’empara d’un objet inutilisé depuis des éons, posé sur une petite table de bois, pendant que l’autre créait une petite flamme. Une fois la lampe allumée et installée sur un pied finement ouvragé en argent, Nehek ouvrit ses yeux émeraude.

La salle s’illumina. La flamme de la lampe d’airain se réverbéra sur des murs dorés recouverts de fresques contant les exploits lointains des Keméens. Des statues de dieux, le regard rubis étincelant, semblaient observer avec bienveillance le centre de la pièce. Des colonnes colorés aux motifs floraux soutenaient le haut plafond bleu nuit couvert d’étoiles. Au centre, sur un autel baigné d’une étrange lueur bleuâtre, était allongée la statue d’une femme plongée dans un sommeil surnaturel. Sa peau était noire, de la même couleur que celle du Roi, et ses traits fins et gracieux. Sa bouche semblait légèrement sourire dans son sommeil. Son visage de pierre lisse affichait une sérénité que rien ne semblait pouvoir atteindre. Ses longs cheveux noirs étaient tressés en couronne. Elle était vêtue d’une simple robe de lin blanc, rehaussé par de fins liserés mauves au niveau du col et des poignets. Pour unique bijou, la jeune femme portait autour du cou une amulette de jade en forme de luth, symbole de la Déesse de la joie et de l’amour Nefera.

Le Souverain de Kem s’agenouilla devant l’autel et posa doucement sa main sur le poignet délicat de la statue. Un symbole en forme de cercle se dessina sous sa peau et se mit à briller d’une douce lueur dorée. La lumière se répandit peu à peu sur son bras, le striant de veines d’or. Bientôt tout son corps irradia comme si un paisible soleil brulait en son sein. Son visage commença à s’animer, sa bouche s’entrouvrit, ses narines se contractèrent, puis ses yeux s’ouvrirent. Nehek se pencha au-dessus du joli visage qui le regardait de ses yeux verts émeraude et dit :

« Bienvenue parmi les vivants, ma douce Reine. Bienvenue dans notre Royaume, Neferenki. »


Au-delà du temps Couloi10
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MessageSujet: Re: Au-delà du temps   Au-delà du temps Icon_minitimeJeu 19 Mai - 20:54

Les vagues rugissantes s’écrasaient avec fracas sur les gigantesques falaises d’Assaron, tel des lames sur un mur de boucliers cherchant en vain à le briser. Des gouttelettes, emportées par le vent violant caressant perpétuellement les côtes de l’île, parvenaient jusqu’au sommet des puissantes murailles grises de la forteresse de Parjhom. Seul le ciel lourd les dominait.
L’une de ces gouttes se déposa sur la joue de pierre du Roi Nehek. D’un geste délicat le Souverain des Terres Noires la recueillit sur le bout de son index et la regarda avec curiosité. L’univers d’Assaron, lugubre, solitaire et froid, était si loin de celui de Neferset ; presque son opposé. Seule la taille monumentale des bâtiments de la forteresse lui rappelait la magnificence et la grandeur de son royaume. Nehek se retourna, quittant le spectacle de la mer en colère, pour regarder Parjhom.

Le Souverain immortel du Royaume de Kem était convaincu que la forteresse, ou du moins certaines parties, dataient de la même époque que la Capitale de son pays. Nehek posa sa main sur une gigantesque pierre intégrée dans la muraille, cherchant à ressentir la présence de ceux qui avaient construit cette formidable citadelle. Se pouvait-il que les architectes de Parjhom fussent des Titans comme ceux qui avaient érigé Neferset ? Cette interrogation fit légèrement sourire le Roi des Terres Noires alors qu’une impression de retrouvaille l’envahissait.

Lakasis ne savait pas comment interpeller son Roi visiblement plongé dans ses pensées. L’Emissaire du Roi posa un genou sur le sol humide et froid de la terrasse surplombant les contreforts de la forteresse de Parjhom, attendant stoïquement que son maître daigne remarquer sa présence. Une bourrasque mouillée et glacée fit sursauter le Souverain éternel du Royaume de Kem. Rouvrant les yeux ce dernier découvrit son fidèle serviteur gelé devant lui.

-Oui mon brave Lakasis, que veux-tu me dire ?
-Maître, fit l’Emissaire en se relevant difficilement, certains seigneurs de l’Alliance sont arrivés en Assaron et ont rejoint la Grande Salle du Conseil. Dois-je leur dire que vous les rejoignez mon Roi ?
-Bien sûr Lakasis, préviens-les de mon arrivée.

Le fidèle serviteur du Souverain du Grand Désert s’inclina puis quitta la froide terrasse pour retourner à l’intérieur de la forteresse. Une pluie gelée commença à tomber, de grosses gouttes s’écrasant sur la peau noire du visage du Roi Nehek. Ce dernier, de nouveau perdu dans ses pensées, n’y prêta pas attention. L’Armée Autonome. Il était désormais le dirigeant de cette puissante alliance, lui qui quelques mois plus tôt dormait encore dans son Tombeau d’Eternité. Le Souverain des Terres noires posa son regard vert sur l’horizon ou la mer déchainée finissait par se fondre avec les cieux tristes et gris. Quelques instants encore il se laissa bercer par la musique des vagues furieuses s’écrasant sur les côtes déchiquetées de l’île d’Assaron.

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MessageSujet: Re: Au-delà du temps   Au-delà du temps Icon_minitimeLun 6 Juin - 23:58

Neferenki n’avait eu que peu de temps pour découvrir le monde dans lequel elle s’était éveillée. Et déjà elle devait assumer son rôle de Reine éternelle du Royaume de Kem, son époux le roi Nehek ayant dû rejoindre l’Ile d’Assaron pour endosser son rôle de dirigeant de l’Alliance de l’Armée Autonome. Elle savait qu’il avait agi dans l’intérêt des Terres Noires mais aussi mu par le désir de retrouver sa puissance. Il était loin le temps de la splendeur de leur pays, époque où leur royaume dominait tout le sud du continent et où personne n’osait le défier. Mais tout cela faisait partie du passé. Il fallait reconstruire et faire face à tous ces royaumes ayant éclos depuis en Ilshenar. Mais loin de l’accabler cette nouvelle donne lui paraissait un intéressant défi à relever. A la hauteur de son immense ambition. Elle avait fondé le Royaume de Kem, elle le relèverait pour lui redonner sa puissance d’antan.
La Reine de Kem posa ses yeux émeraude sur les cartes recouvrant l’immense bureau royal, s’imprégnant de chaque détail. Ses doigts fins se posaient régulièrement sur les vélins, y posant de petites statuettes afin de marquer des lieux pour s’y reporter plus tard. Elle déroula un document provenant de l’administration des scribes et commença à le lire tout en regardant de temps à autres les petits pions de pierres sculptées posés sur les cartes. Machinalement elle remit en place une mèche folle et prit une plume pour noter quelques informations sur un papyrus. Cela faisait plusieurs jours maintenant qu’elle auscultait chaque recoin des Terres Noires et plus généralement du monde d’Ilshenar.
Un serviteur se porta à sa rencontre et posa son front sur le sol.

« Ô Ma Reine, Maitresse des Terres Noires, Grande Prêtresse du Royaume de Kem, Celle qui est Juste et qui nous protège, Neferenki l’Immortel ! »

Neferenki se tourna lentement vers son interlocuteur et prit conscience de son aspect négligé, inacceptable pour une souveraine.

« Parle, ordonna-t-elle d’une voix glaciale. »

Le serviteur frémit légèrement en entendant le ton utilisé par sa reine et, n’osant pas relever la tête, lui répondit faiblement :

« Ô ma Maîtresse, les prêtres se préparent pour la grande cérémonie afin d’attirer la faveur de nos divinités sur notre belle cité. Ils souhaiteraient que vous leur accordiez quelques moments pour discuter des rituels à accomplir. »

Neferenki posa sa main sur l’épaule du domestique avec douceur et l’interpella directement dans son esprit pour lui dire qu’elle rejoindrait bientôt les prêtres. Le serviteur sembla se détendre et se releva en s’inclinant devant la souveraine avant de disparaitre par une porte dérobée.
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MessageSujet: Re: Au-delà du temps   Au-delà du temps Icon_minitimeLun 18 Juil - 23:29


Le Grand Prêtre du Dieu Phar, Pharasis, rentra dans la salle bruyante où l’attendaient ses élèves. La pièce redevint soudainement calme et les apprentis prêtres, habillés d’une simple tunique bleu nuit, s’inclinèrent respectueusement devant leur maître. Ce dernier les salua et leur demanda de rejoindre leurs pupitres afin de pouvoir commencer son cours. Les jeunes étudiants sortirent leurs tablettes de cire et leurs stylets puis se tournèrent vers leur professeur, l’avidité de connaissances habitant leurs regards.

« Hier nous avons fini d’étudier le panthéon de nos Dieux, ainsi que leurs dénominations à travers les cultures d’Ilshenar et la manière dont ils sont révérés. J’espère que vous savez tous parfaitement les rituels élémentaires pour les honorer, je n’y reviendrai pas avant votre cérémonie d’intronisation. Cette première année d’apprentissage se terminant je souhaiterais savoir si vous avez des questions sur l’ordre divin qui régit notre monde. »

Le Grand Prêtre observa ses apprentis chuchoter entre eux, se questionnant et obtenant des réponses théologiques les uns des autres. Ils étaient prêts pour leur prochain cursus, pour la plus grande satisfaction de leur maître. Soudain il y eu un blanc et des étudiants se tournèrent vers l’un d’entre eux visiblement gênés par ses paroles.

« Et bien que ce passe-t-il, demanda Pharasis à l’élève incriminé qui baissa immédiatement les yeux. Parle. »

L’étudiant se tordit les mains avec anxiété, n’osant pas relever les yeux vers le Grand Prêtre. Le silence se fit pesant et commença à irriter le professeur de théologie.

« Mais qui-a-t-il donc qui te mette dans un tel état ? Aurais-tu blasphémé ? Parle donc, si mal il y a eu il est encore temps de le réparer. Les Dieux savent être cléments envers ceux qui commettent des fautes sans volonté malfaisante. »

L’élève se mit à trembler comme une feuille et dut serrer les poings jusqu’à ce que ses jointures deviennent blanches pour trouver le courage de regarder le Grand Prêtre.

— Ô Pharasis, Grand Prêtre du Dieu Phar, je vous jure que je ne souhaitais pas provoquer de gêne par ma question, ni insulter quiconque.

— Eh bien, vas-tu parler alors, de quelle question il s’agit ?

— Et bien Maître, reprit l’apprenti prêtre de la voix la plus respectueuse qu’il put, vous nous avez parlé de l’ordre divin en notre monde mais vous n’avez pas abordé la place et le rôle choisi par les Dieux concernant nos Souverains ? Je ne voulais en aucun cas offenser nos dirigeants, je tiens à vous le dire. Mais ils sont si différents de nous et pourtant ils prétendent être nos seigneurs par la volonté des Dieux. »


L’étudiant s’effondra sur son petit tabouret, ses jambes flageolantes refusant de le porter davantage. Pharasis comprit immédiatement la gêne de ses élèves. Nos Seigneurs « prétendent », voilà donc le mot qui pouvait fâcher. Le brouhaha reprit aussitôt dans la salle aux murs ocre recouverts d’explications religieuses. Le Grand Prêtre dut taper du poing sur son pupitre pour obtenir le silence. Puis, esquissant un léger sourire gêné, il répondit d’une voix apaisante :

« Voyons mon élève, tu poses une question car tu es ignorant, il n’y a aucun mal à cela. Cette partie de l’ordre divin ne doit vous être enseigné que dans quelques années mais je vais te répondre succinctement afin de calmer les esprits. »

Pharasis se dirigea vers une fenêtre donnant sur un petit jardin et souleva le rideau de soie translucide, laissant entrer la chaleur du matin dans la classe. Son sourire avait cependant disparu.

« Après la conception de notre monde, les Dieux découvrirent que les créatures conscientes avaient créé des représentations pour les vénérer. Afin de faciliter leurs rapports avec leurs adorateurs ils créèrent des esprits. Ceux-ci investirent les statues représentant les divinités et eurent pour tâche de donner les connaissances primordiales à leurs enfants mortels. Il s’agissait des elfes, des nains, des orcs, etc. Et des hommes. Quand ceci fut fait nos Dieux leurs demandèrent de les rejoindre dans leur royaume. Mais quelques rares serviteurs étaient tellement attachés aux êtres qu’ils avaient aidés qu’ils demandèrent à rester en Ilshenar. »

Pharasis se tut quelques secondes, les sourcils froncés et le regard ailleurs, hésitant sur la manière de finir son discours. D’une voix plus grave il reprit finalement, brisant le silence pesant dans la salle.

« Dans certains textes anciens ils sont appelés les Titans, mais leur véritable nom est Statue porteuse de la Voix des Dieux. J’espère avoir répondu d’une certaine manière à ta question mon jeune ami. »

Le Grand Prêtre se retourna pour regarder sa classe. Ses élèves le regardaient avec émerveillement et crainte, comme s’il leur avait révélé un très important secret. Ce qui était le cas, du moins pour le reste d’Ilshenar. Il ne put s’empêcher d’éclater de rire, demandant pardon aux Dieux en son for intérieur pour son hilarité. Puis son visage redevint sérieux quand la terrible vérité cachée dans ses propos refit surface dans son esprit.
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MessageSujet: Re: Au-delà du temps   Au-delà du temps Icon_minitimeJeu 25 Aoû - 23:52

Les hautes portes d’airain du Grand Palais s’ouvrirent et la Reine des Terres Noires portant sa tenue resplendissante de Grande Prêtresse s’avança dans la grande avenue de Neferset sous les acclamations de son peuple qui jeta des pétales de fleurs devant elle. Neferenki s’arrêta après quelques pas pour observer les Kéméens de son regard minéral. Les habitants retinrent leurs souffles et s’agenouillèrent. Cela faisait si longtemps qu’elle ne les avait pas vus. Un immense amour emplit son cœur mais elle n’en laissa rien transparaitre. Il y avait tellement de vie en eux, tellement d’espoir, tellement d’attente en leurs seigneurs inhumains, un peu de peur également. De sa voix la plus douce elle leur demanda de se relever. D’un seul mouvement la foule se redressa et l’acclama de nouveau.

« Mon peuple, je vous remercie de ce merveilleux accueil pour célébrer mon retour. Comme par le passé je vous promets de tenir dignement mon rôle de protectrice et de dirigeante. Dès demain je convoquerai tous vos représentants afin d’entendre vos doléances et y répondre en tant que Préférée des Dieux, Juge et Reine. J’attends beaucoup de vous, comme vous attendez beaucoup de moi. Aujourd’hui nous allons honorer nos Dieux afin d’attirer leur bienveillance sur notre royaume. Allons maintenant tous ensemble au Grand Temple afin de prouver notre foi. »

Neferenki reprit sa route entourée de sa garde personnelle, le peuple se regroupant derrière elle pour la suivre. Certaines choses n’avaient pas changé se rassura-t-elle. Elle régnerait bientôt de nouveau sur le plus puissant des royaumes et tous s’inclinerait devant elle. Comme par le passé.
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MessageSujet: Re: Au-delà du temps   Au-delà du temps Icon_minitimeMar 6 Sep - 1:16

La barque solaire descendait lentement le Grand Canal de Vie du Royaume de Kem, sa voile triangulaire écarlate faiblement gonflée par une brise surnaturelle. A bord seuls quelques marins s’affairaient à la conduite du navire, les autres se reposant sur le pont, assis en tailleur. Certains somnolaient, d’autres jouaient aux dés. Quelques uns observaient les rives depuis le bastingage en bois précieux. Des soldats, portant des cuirasses de cuir et d’or, montaient stoïquement la garde près du château arrière. A la proue se tenait Pharak, vêtu d’une simple tunique de coton blanche contrastant avec sa peau noire, une main enserrant un cordage. Le Conseiller du Roi regardait avec émerveillement les rayons du soleil couchant se refléter dans les champs de blé s’étendant à perte de vue de chaque côté du canal, embrasant les épis telles des paillettes d’or. L’eau immobile du canal, teintée d’une couleur mordorée, renvoyait l’image déformée de la barque filant paisiblement vers sa destination.

Pharak repensa au travail accompli depuis le Grand Réveil. Il se revit donner les ordres pour que soient repoussées les montagnes de sable au-delà des terres arables du royaume. Et combien d’ouvriers avaient souffert pour désensabler le Grand Canal dans la chaleur implacable du désert, dix mille, cent mille ? Le Conseiller du Roi ne le savait plus, le nombre se perdant dans les années de labeur. Mais le résultat était sous ses yeux. Son navire voguait sur l’eau pure du colossal ouvrage aux rives en granit rose, traversant les immenses champs, oasis au milieu d’un territoire hostile à toute vie. La pénombre recouvrit peu à peu ce miracle réalisé par le génie kéméen alors que l’astre diurne disparaissait derrière les dunes.

La nuit finit par faire disparaître ce panorama grandiose, ne laissant transpercer sa douce obscurité de-ci de-là que par quelques faibles lumières, étincelles de la vie humaine refusant encore de rejoindre le pays des songes. Pharak tourna alors son regard vers l’avant. Sur l’horizon une lumière chaude luttait contre la nuit, pareil à un rayon de soleil refusant de s’en aller. D’un geste, le serviteur du roi des Terres Noires renforça le souffle du vent dans la voile qui se gonfla sur toute sa surface. La nef prit de la vitesse. Sans qu’un mot ne fût échangé les marins se levèrent et réinvestirent leurs postes.

La lumière devint de plus en plus forte à mesure que la barque solaire s’en approchait. Bientôt l’équipage vit apparaître un petit soleil flottant au dessus du sol. Les contours des bâtiments au loin devinrent plus nets dessinant une ville immense au bord d’une grande étendue noire. Les marins surent qu’ils arrivaient à Arkem, port de la Capitale du Royaume. Rapidement se détacha de la lumière flamboyante éclairant toute la cité la gigantesque tour-temple qui portait ce feu sacré. Dominant majestueusement les environs le monument de marbre blanc embrasait les cieux afin de glorifier Phar, le Dieu solaire. Le Conseiller du Roi ne put contenir son admiration et se prosterna sur le pont, suivi aussitôt par tout l’équipage. La magnificence de l’édifice délicatement sculpté sur toute sa hauteur éclipsait la beauté de la ville blottie à ses pieds.

La barque solaire quitta le Grand Canal de Vie pour rejoindre le port au milieu de la flotte de guerre de Kem. A peine le navire amarré, Pharak sauta sur le ponton de pierre et s’élança à travers la foule vers le phare, avide de retrouver les prêtres qui y officiaient. Alors qu’il remontait la grande avenue de la cité bordée de palmiers et de statues, une magnifique nef dorée passa au-dessus de la cité et, toutes voiles dehors, fila en direction de Neferset.
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MessageSujet: Re: Au-delà du temps   Au-delà du temps Icon_minitimeDim 9 Oct - 23:46

Les dunes s’étendaient à perte de vue de part et d’autre du Grand Canal de Kem, sillon vert dans la monotonie ocre du Grand Désert. Les soldats du Royaume des Terres Noires s’étaient rassemblés au bord de l’eau cristalline entre des champs irrigués et le fort dressé au pied du pont en marbre d’Aphak. Au-dessus des dunes les rapaces, volant en cercles, observaient le décor, piquant parfois vers le sol, becs et serres en avant, pour s’abattre sur quelques rares survivants de l’armée en déroute.

Le Général Rakaph admirait le spectacle du haut de son char doré. Les étendues de sable blanc face à lui avaient viré au rouge carmin sous les piles de corps démembrés et tailladés, vestiges de l’immense bataille qui venait d’avoir lieu. Le soleil couchant faisait miroiter les plaques d’armures des cadavres et teintait la scène d’une couleur sanguine. Au loin un blessé essayait vainement de se défendre contre les assauts de plusieurs charognards, magnifiques et mortelles effigies au service du Royaume de Kem. Bientôt le silence reprendrait ses droits sur cette terre et les paysans pourraient retourner à leur labeur.

Le bras armé du roi mit pieds à terre, attacha ses chevaux à un palmier portant de nombreuses estafilades et commença à traverser le champ de bataille d’un pas tranquille. Rakaph aimait bien ce moment d’apaisement après les combats, quand la nature reprenait sa place comme si de rien n’était. Mais pour le moment les odeurs mêlées du sang, des chairs et des tripes se répandaient dans la campagne, emmenées par la légère brise du soir. Par endroit les sandales du général s’enfonçaient dans le sable humide et se teintaient de rouge. Rakaph observa ses ennemis, leurs armures, leurs armes et leurs regards. L’essentiel des assaillants étaient des barbares venus de l’Est. Leur matériel était de bonne facture, comme les jeunes royaumes savaient désormais en faire, et leurs montures robustes. Le maître de guerre qui avait pris la tête de cet ost devait être quelqu’un d’important. Le Général du Pays de Kem s’arrêta près d’un cheval éventré. Les souvenirs de la bataille lui revinrent alors en tête.

Quelques heures plus tôt, la guerre avait fait rage au milieu des dunes, menaçant le fort et le pont d’Aphak. Les paysans s’étaient réfugiés dans la petite forteresse et regardaient en tremblant les combats. L‘affrontement n’avait pas commencé en donnant l’avantage aux légions des Terres Noires. Les patrouilles kéméennes avaient été fauchées par une pluie de traits de fer avant d’avoir pu donner l’alerte. Les barbares avaient alors pu rejoindre le sommet des crêtes sans être inquiétés puis immédiatement lancer la charge avec pour seul avertissement le hennissement de leurs chevaux. Pourtant les légionnaires postés en ce lieu stratégique s’étaient calmement mis en position pour recevoir leurs ennemis, boucliers calés et lances pointées pour bloquer les cavaliers ennemis. Leur capitaine avait envoyé un pigeon doré à Rakaph lui expliquant la situation et l’appelant à l’aide.

Quand le Général était arrivé à bord d’une nef volante avec son armée le fort tenait toujours. Rakaph n’eut qu’à donner quelques ordres précis pour que ses troupes débarquent et se mettent en formation. Aussitôt les soldats au sol, il avait ordonné une charge sur le flanc des barbares. La bataille dura toute l’après-midi sous un soleil de plomb, le sang poissant dans la sueur gluante des combattants. Peu à peu les soldats laissèrent choir leurs lourds boucliers. Puis certains se débarrassèrent de leurs armures, morceaux par morceaux afin de lutter contre la chaleur cuisante du désert. Certains chevaux s’étaient effondrés au cours de l’affrontement, étouffés par l’air torride. Ailleurs des soldats, les yeux collés par le sable ou aveuglés par les rayons du soleil couchant, erraient au milieu du champ de bataille en frappant dans le vide.

Rakaph avait rarement vu dans sa longue carrière de militaire un tel chaos dans une bataille. Il remercia Phar d’avoir abattu son courroux sur le combat, ses ennemis subissant ses caresses avec beaucoup plus de difficulté que les guerriers kéméens. Pourtant aucune armée ne semblait en phase de l’emporter. Le Général décida alors de prendre la tête des chars de son ost et de porter une charge dévastatrice qu’il espérait décisive. Malgré une farouche résistance des barbares, l’armée des Terres Noires finit par briser les lignes adverses qui s’éparpillèrent dans la plus grande pagaille au milieu des débris de bois, de fer et de chaire dus au choc.


Le soleil était maintenant couché et la fraicheur portée par le Grand Canal se répandait peu à peu dans la campagne. Le Général Rakaph ordonna à ses troupes rassemblées près du fort de se réunir afin de monter un camp pour passer la nuit. Bientôt les tentes se dresseraient autour de lui et les feux brilleraient dans la nuit. Une fois encore le Royaume de Kem avait vaincu.

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MessageSujet: Re: Au-delà du temps   Au-delà du temps Icon_minitimeLun 10 Oct - 22:57

Pharasis retournait une fois encore dans sa tête la question qui le tourmentait depuis maintenant plus d’un mois. N’arrivant pas à dormir, il se leva de son lit et se rendit sur la terrasse sur le toit de sa demeure. La nuit était sombre, malgré la lueur des étoiles. Neferset dormait paisiblement au milieu des dunes, ses lanternes éclairant les carrefours pour aider les quelques Kéméens qui arpentaient encore les rues à cette heure tardive. Le Grand Prêtre vit passer l’ombre inquiétante d’un Ushabti patrouillant dans son quartier. L’effigie devait faire au moins deux fois la taille d’un homme. Les yeux rouges de la créature, brillèrent dans sa direction. Pharasis lui fit un signe de la main, signe auquel la statue animée répondit par un hochement respectueux de sa tête animal.

Le Grand Prêtre remonta du regard la grande avenue de la cité, éclairée par de nombreuses lampes, jusqu’à la Grande Pyramide. Celle-ci dominait, de toute sa masse noire, la capitale du Royaume de Kem. Des runes verdâtres parsemaient sa base. Elles étaient les protections mortifères pour toutes personnes, animées d’intentions maléfiques, désirant s’introduire dans l’édifice le plus sacré des Terres Noires. Le Grand Prêtre savait que la réponse à sa question se trouvait à l’intérieur, parmi tous les autres secrets jalousement gardés par son roi.

Sa décision était prise. Pharasis enfila sa robe de Grand Prêtre puis sortit discrètement de sa maison, afin de ne pas réveiller sa famille et ses serviteurs. Il longea une ruelle qui menait vers la grande avenue, faisant en sorte de rester dans la pénombre. Il ne croisa personne. Arrivé à la grande avenue, il longea les bâtiments qui la bordaient d’un pas rapide. Bien que rien ne lui interdise de se déplacer de nuit, Pharasis se sentait coupable, car il savait que ses intentions ne seraient sans doute pas du goût de ses maîtres. A plusieurs reprises il se cacha derrière les nombreux sphinx et palmiers décorant le trottoir qu’il parcourait. Chaque bruit le faisait tressaillir. Il ne put s’empêcher de plonger derrière le socle d’une statue lorsque la garde passa à côté de lui. La sueur perlait sur son front et lui coulait dans les yeux. Il ne s’essuya le visage avec sa manche qu’une fois les soldats loin, et il lui fallut une minute supplémentaire pour reprendre sa respiration.

Quand il arriva devant la grande place au pied de la Grande Pyramide, il s’arrêta. Impossible de la traverser sans se faire voir tant elle était immense. Le Grand Prêtre s’assit sur le socle d’une des gigantesques statues bordant l’esplanade et sursauta quand il la sentit vaguement bouger. Il dut retenir un rire nerveux quand il se souvint que toutes les représentations dans la cité étaient des effigies, prêtes à défendre la capitale. S’il avait échappé au guet, il était vain d’espérer avoir échappé à l’attention des gardiens de pierre.

Rassemblant son courage, Pharasis remit en place sa coiffe et s’élança sur la place. Ses pas résonnaient sur les pavés colorés formant des motifs géométriques. Il fit une halte quand il parvint au colossal obélisque gravé de textes sacrés brillants d’une douce lueur orangée. Devant lui se dressait les hautes portes de bronze de la Grande Pyramide. Sur les battants, le Grand Prêtre pouvait lire les runes de protection, rappelant les malédictions qui s’abattraient sur quiconque essaierait de s’introduire dans l’édifice. De chaque côtés de la porte se dressaient un gardien, statue cyclopéenne représentant respectivement le Dieu de la guerre Raka’a et celui de la mort, Khsar, portant une lourde hallebarde kéméenne. Leurs yeux rubis rougeoyaient d’une lueur maléfique. Pharasis se demanda, pour la première fois, quels esprits étaient ceints dans ces effigies, et eut un frémissement. Il dut se gifler pour retrouver son calme.

Je ne suis pas venu jusqu’ici pour renoncer, pensa-t-il.


Du pas qu’il espérait le plus ferme, il se dirigea jusqu’à la porte de la pyramide. Les deux statues tournèrent la tête et le regardèrent. Le Grand Prêtre sentit une goutte de sueur lui descendre le long de la colonne vertébrale. Il se figea la main à demi levée vers l’un des battants de bronze. Face à lui, les runes vertes gravées dans le métal dansaient curieusement. Pharasis fit le vide dans sa tête et poursuivit son geste, posant sa paume sur l’une d’elles. Un bruit métallique sourd se fit entendre, suivit d’un claquement sec. La porte d’entrouvrit silencieusement. Les deux gardiens reprirent leur position normale. Le Grand Prêtre souffla et entra dans la Grande Pyramide. Les portes de bronze se refermèrent derrière lui et il se retrouva dans l’obscurité la plus complète. Il était désormais trop tard pour reculer, mais bizarrement, maintenant qu’il se trouvait si près du savoir qu’il convoitait, Pharasis n’avait plus peur.
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MessageSujet: Re: Au-delà du temps   Au-delà du temps Icon_minitimeSam 29 Oct - 14:23

La fête était finit. Les dernières lampes finissaient de consumer leur huile, lueurs tremblotantes dans l’obscurité du palais. Les flammes vacillantes semblaient faire danser les écritures pictographiques sur les murs, dernier spectacle avant que la nuit ne s’empare des lieux. Neferenki, Reine de Kem et Préférée de la Déesse Nefera, réajusta sa tunique blanche brodée de fils d’or et quitta la pièce où les festivités avaient eut lieu, abandonnant ses convives endormis. Elle traversa le grand hall dominé par une foultitude d’énormes colonnes aux motifs colorés, et s’engagea dans un couloir menant sur de grandes portes dorées gardées par deux ushabtis, les guerriers d’élite des Terres Noires.

En entrant dans la salle luxueuse, qui était son bureau et sa chambre, la Reine caressa le sommet du crâne d’une statue de lion, qui grogna de plaisir. Elle s’installa dans un grand fauteuil, tendu de toile pourpre et rehaussée d’argent, se trouvant devant la table de marbre blanc trônant au milieu de la pièce. Elle compulsa rapidement les documents posés dessus, mais ses pensées l’éloignaient de ses obligations de souveraine. Son époux lui avait dit récemment qu’il comptait revenir au royaume, mais les affaires politiques l’avaient obligé, une fois encore, à repousser son retour. Et pourtant elle était convaincue qu’il n’était pas loin. Elle ressentait l’étrange aura contre nature du Roi de Kem. Sa présence refluait vers elle comme les vagues sur la grève. Quelque-chose n’était pas normal. Plus elle laissait voguer son âme et plus elle était certaine que des événements graves se préparaient.

Elle en était sûre, son époux se trouvait à Neferset. Pourquoi ne l’avait-il pas averti de son retour. La présence de Nehek était glaciale, emplit de colère. Neferenki s’aperçut que les flammes des braseros de la salle s’étouffaient peu à peu dans la noirceur maléfique de la nuit. Elle sortit dans le jardin, espérant échapper à l’ambiance malfaisante emplissant le palais. Dehors l’atmosphère n’était pas plus accueillante. De lourds nuages noirs convergeaient vers la Capitale du Royaume de Kem, cachant rapidement la lumière scintillante des étoiles. De sinistres nués d’oiseaux aux cris déchirants parcouraient le ciel. Sur l’avenue, de terrifiantes statues mi homme mi animale se dirigeaient vers la grande place. C’était des sphinx gigantesques au regard rubis, les effigies les plus puissantes jamais sculptées par les artistes de Kem. Leurs pas lourds résonnaient gravement sur les dallages de la plus grande artère de la cité. Neferenki frissonna. Son regard émeraude se dirigea vers la Grande Pyramide dominant Neferset. Les runes verdâtres du colossal édifice brillaient d’une lueur tremblotante malveillante. Le monument cyclopéen semblait se détacher de la réalité, comme s’il avait été bâti dans un autre univers.

Elle hésita un court instant à se rendre à la Grande Pyramide, mais un vent glacé lui indiqua qu’elle n’était pas la bienvenue. La nuit était désormais impénétrable, seuls ses pouvoirs lui permettaient de distinguer vaguement son environnement. Elle se surprit alors à ressentir une émotion qui lui était quasi étrangère : la peur.
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MessageSujet: Re: Au-delà du temps   Au-delà du temps Icon_minitimeDim 13 Nov - 20:31

Pharasis avait dépassé le hall des Dieux, dont les statues gardaient jalousement le passage menant au cœur de la Grande Pyramide. Faire une prière à chacune d’elles, afin d’éviter leur courroux, avait prit beaucoup de temps. Le Grand Prêtre avait ensuite longé des couloirs interdits au commun des mortels pour rejoindre les appartements de son roi.

Bien que pressé par le temps, Pharasis avait fini par s’arrêter pour lire certains passages de l’histoire du Pays de Kem. Plus il s’enfonçait dans le colossal monument, plus le Grand Prêtre pouvait remonter le temps. Il était étonné par les textes défilant sous ses yeux. Il ne s’agissait pas de propagande destinée à glorifier le Royaume des Terre Noires, comme sur les autres monuments, mais de comptes-rendus objectifs sur les événements ayant émaillés la très longue histoire des Terres Noires. Victoires, défaites, réussites, échecs, rien n’avait été omis, les faits étaient gravés dans la pierre afin de garder véridique la mémoire de son souverain inhumain.

Pharasis franchit de grandes portes composées d’un métal noir dont émanait une légère lueur verte. Il se retrouva dans une pièce de taille moyenne, les murs recouverts d’inscriptions. Au centre, le curieux sarcophage de Nehek se dressait, construit dans le même métal que les portes de la salle. Une étrange aura émanait de cet objet, comme si elle réagissait au battement du cœur de la Grande Pyramide, un battement contre-nature. Contre-nature, c’était bien ce que Pharasis ressentait. Mais la réponse à sa question était sans doute quelque part sous ses yeux, il lui fallait maintenant la chercher. Il se dirigea vers un mur et commença à lire.

Le récit commençait par décrire la naissance d’Ilshenar, la plus merveilleuse création des Dieux, le chaos bouillonnant des origines. Le Grand Prêtre lisait avidement les descriptions de cette époque et découvrit que dans ces tumultes étaient nées des consciences. Celles-ci avaient interpellé les Dieux pour savoir qui elles étaient. Pour leur répondre les Divinités utilisèrent des Noms qu’elles donnèrent à chaque conscience et chaque chose. Pharasis n’en revenait pas, comprenant enfin pourquoi les Noms représentaient un tel pouvoir sur l’univers.

Reprenant sa lecture, le plus important prêtre de Kem suivit ce que le don des Noms avait provoqué, l’organisation de ce qui allait devenir Ilshenar, mettant fin au chaos primordial. Cependant parmi ces consciences, l’une d’elles observait le monde se concevoir, émerveillée par la transformation en cours chaque fois qu’un Nom était donné. Mais si l’univers émergeant était magnifique, elle restait fasciné par la création initiale et se mit à craindre de devenir « figée » par les Dieux. Alors imitant les Divinités créatrices elle se donna elle-même un Nom en lien avec la tempête des origines puis cacha quelques choses-concepts à l’abri des Créateurs afin de garder des souvenirs de l’époque qui se finissait.

Pharasis lut rapidement les histoires qui suivirent, comment l’esprit nommé se trouvait fade en voyant les créations des Dieux et comment il regardait le monde autour de lui se modifier. Puis vint le moment où il fut découvert par les Dieux, et la surprise que cela engendra. Qui était-il, être à la fois lié à la création et indépendant d’elle. Certains Dieux s’en amusèrent, d’autres l’ignorèrent, quelques uns s’en offusquèrent. Ils ne pouvaient cependant plus agir sur lui, l’esprit avait obtenu une sorte de liberté vis-à-vis d’eux, sans pour autant pouvoir atteindre leur divinité. Ne pouvant le nommer, les Créateurs le surnommèrent « Celui qui marche au milieu des Noms ».

Le texte se poursuivait en contant les aventures de cet esprit en Ishenar et ses premiers contacts avec les autres créatures qui le prirent pour un Dieu. Elles lui conçurent un corps de pierre, comme d’autres l’avaient fait pour mieux communiquer avec leurs Créateurs, statues que l’on appellerait plus tard « Statues porteuses de la Voix des Dieux » ou encore « Titans ».

Le Grand Prêtre fut pétrifié quand il commença à entrevoir la réponse à sa question en lisant la première phrase de l’esprit : « Mon nom est Nehek, et je ne suis pas un Dieu, je ne suis rien. Mais comme vous m’avez accueilli avec gentillesse je ferais en sorte de vous aider du mieux que je le pourrais. ». Il ne put cependant s’empêcher de poursuivre sa lecture du récit qu’avait écrit son souverain.

Nehek devint le Roi des hommes qui vivaient à l’époque dans une contrée verdoyante, aidé par d’autres « Statues porteuses de la Voix des Dieux ». La plupart le quittèrent lorsque les Divinités les rappelèrent à elles, estimant que leur travail était terminé. Pharasis découvrit alors que Nehek avait à ce moment-là demandé aux Dieux d’autoriser ses « frères Titans » à rester avec lui. Seuls trois Divinités acceptèrent et ainsi furent libérés de leur rôle Pharak, Rakaph et Neferenki.

Le Grand Prêtre s’arrêta songeur, l’index posé sur la dernière inscription lue. Ainsi en était-il des origines du Pays de Kem. Et de ses souverains. Et la raison pour laquelle le Nom de son roi semblait sans signification apparente. Ses pensées se bousculèrent, les choses se mettant enfin en ordre dans sa tête, triant les légendes pour y voir la vérité.

Nehek était bien contre-nature, raison qui empêchait les devins de voir son destin et dont les seules traces résonnaient dans celui des autres, tels des points de chaos, dans la trame écrite par les Dieux. Voilà donc qui était son roi, un paradoxe entre l’ordre et le chaos, entre la force et la faiblesse.

Une ombre se dessina sur le mur. Pharasis sursauta en reconnaissant la silhouette. Il se retourna brutalement, le dos au mur, et se retrouva face au Souverain de Kem dont le regard vert sondait son âme. Les cheveux du Grand Prêtre blanchirent en un instant et ses jambes se dérobèrent sous lui. Les yeux émeraude de Nehek s’embrasèrent. Le Grand Prêtre accepta alors le prix à payer pour accéder à un savoir interdit et sut qu’il ne trouverait aucun endroit pour fuir l’ire de son seigneur. Car comment échapper à une créature dont le plus grand pouvoir était d’être au-delà du temps.


FIN
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